Ernest Mabille (1837-1906)

Ernest Étienne Mabille, né le 16 octobre 1837 à Amboise (Indre-et-Loire) et mort le 25 avril 1906 à Nazelles (Indre-et-Loire), est un constructeur-mécanicien à la tête de la Maison Mabille de 1865 à 1890 et un homme politique français.

Formation et co-direction de la société “E. Mabille frères”

Avec son frère André Emmanuel (1836-1908), il effectue son Tour de France et part en apprentissage aux ateliers des Chemins de fer de Lyon à la Méditerranée (Lyon, Arles et aussi Oullins), participant à la création de la ligne Paris-Lyon-Marseille (PLM) en 1857, aux Établissements Taylor de Marseille (Bouche-du-Rhône) ou encore aux Établissements Schneider du Creusot (Saône-et-Loire). Avec son frère aîné, il revient à Amboise en 1858 et intègre l’entreprise familiale pour parfaire sa formation de mécanicien sous l’égide de son père, Jacques Emmanuel Mabille (1808-1888). Dès 1859, la Maison Mabille se lance dans les concours agricoles et remporte rapidement de nombreux succès tant au niveau régional que national.

En 1865, Ernest Mabille prend officiellement la co-direction de la société “E. Mabille frères” aux côtés d’André Emmanuel Mabille. Au cours de plus de deux décennies, il participe activement au développement commercial de la Maison Mabille. En quelques années, la société amboisienne dispose de représentants aux quatre coins du monde : France, Algérie comprise, (Léon Mabille, son frère cadet, vend notamment leurs machines à Reims), Tunisie, Argentine, Chili, Pérou, Australie, Espagne, Portugal, Italie, Grèce, Russie etc. pour ne citer qu’eux.

Figure paternaliste de la société “E. Mabille frères”, Ernest Mabille se retire finalement le 30 décembre 1890 pour se consacrer pleinement à ses activités politiques et philanthropiques.

L’homme engagé

Plus qu’un industriel de renom, Ernest Mabille, républicain convaincu, s’illustre avant tout par son engagement politique.

Au déclenchement du conflit franco-prussien, en juillet 1870, Ernest Mabille se rend à Tours où il rencontre Antoine-Dieudonné Belle (1824-1915) ; futur maire de Tours (1875-1879), député (1876-1889) puis sénateur d’Indre-et-Loire (1894-1915). C’est alors avec détermination qu’il s’engage dans la compagnie des francs-tireurs sous les ordres du capitaine Sansas. Durant le conflit franco-prussien, Ernest Mabille rejoint la franc-maçonnerie, au sein de la loge des Persévérants Écossais, après qu’il ait été initié dans la forêt de Loches.

Ernest Mabille occupe la présidence de la Libre-Pensée d’Amboise au cours des années 1890, avant d’en devenir le secrétaire au tournant du siècle, son état de santé s’étant détérioré. Ernest Mabille, républicain, franc-maçon et libéral, fut également le premier président de la section tourangelle de la Ligue des Droits de l’Homme. Cette ligue, fondée en 1898 par le sénateur Ludovic Trarieux (1840-1904) et divisée en plusieurs sections régionales, bataille pour faire reconnaître l’innocence du Capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935) et obtenir la révision de son procès.

C’est cet engagement qui porte Ernest Mabille à la tête de la mairie de Nazelles, sa commune de résidence, le 21 mai 1878. Suite à la démission d’Aristide Allard, figure bonapartiste locale, il devient conseiller d’arrondissement d’Amboise le 29 avril 1894. Le 14 mai 1896, trois ans après le décès de son prédécesseur : Charles Guinot (1827-1893), il est nommé maire de la commune. Fort de sa popularité, les électeurs envoient Ernest Mabille siéger au Conseil général du canton d’Amboise le 21 juillet 1901, sous l’étiquette radical-socialiste. Après cette victoire, et affaibli par la maladie, il démissionne de son poste de conseiller d’arrondissement d’Amboise en octobre 1901. De même, il envisage de se présenter aux élections sénatoriales de 1902, mais renonce, laissant sa place à Eugène Pic-Paris (1836-1917), radical-socialiste, maire de Tours de 1892 à 1897, finalement élu le 17 août 1902. Bien que malade, Ernest Mabille remplit avec pugnacité l’ensemble de ses fonctions politiques jusqu’à son décès le 25 avril 1906 à Amboise.

Par ailleurs, son rôle dans la lutte contre le phylloxéra et la reconstitution du vignoble lui valent, incontestablement, d’être une figure de l’agriculture amboisienne. Dès les premières manifestations phylloxériques en Indre-et-Loire, au cours de l’été 1882, il participe, avec l’ensemble des propriétaires du canton d’Amboise, à la création d’un syndicat pour la défense des vignobles. À ce titre, Ernest Mabille met son vignoble de quatre hectares à disposition du Ministère de l’Agriculture pour différentes expériences sur des plants de vignes (greffes etc.) dans l’objectif, bien avoué, d’éradiquer l’insecte ravageur. M. Vincendeau, vigneron à son service depuis la fin des années 1870, l’aide dans cette tâche. Son travail se voit d’ailleurs récompensé en 1894 d’une médaille d’argent par ledit Ministère.

Dans cet élan, Ernest Mabille crée aussi une pépinière communale de plants greffés à Nazelles en 1891 à laquelle il prend part en tant que membre du Bureau. Alfred Gaudin en est nommé président. Et si cette décision se révèle fort onéreuse pour Ernest Mabille (il fait un premier dépôt de 20 000 francs), elle n’en illustre que plus son engagement, et sa ténacité, à lutter contre le phylloxéra et à reconstituer le vignoble tourangeau.

Forte personnalité, Ernest Mabille est alors un ardent défenseur de la cause républicaine, au sens le plus large du terme, marquant de son empreinte l’histoire du département.

Famille

Issu d’une famille de républicains convaincus depuis son grand-père Bernard Augustin Mabille (1773-1856), instituteur, il est le deuxième fils de Jacques Emmanuel Mabille (1808-1888), serrurier et fondateur de l’entreprise familiale, et de Marie Joséphine Mangeant (1818-1893).

Célibataire et sans enfants, sa première maîtresse fut avant tout la cause républicaine. Néanmoins, son neveu, Emmanuel Ernest Mabille (1863-1942), lui succédera dans l’ensemble de ses fonctions politiques.

Décorations

  • Médaille de Sauvetage 1 en 1866. Après les épisodes de 1846 et de 1856, la Loire est une nouvelle fois en crue au début de l’automne 1866. Le 28 septembre 1866, ces inondations entraînent la rupture des levées à Amboise, provoquant la destruction du quartier de la Croix-Saint-Jean situé sur l’île centrale de la commune. Face à la violence de ce phénomène, deux personnes sont emmenées par les eaux, mais sont sauvées de la noyade par Ernest Mabille. Cet acte de bravoure lui vaut alors cette récompense.
  • Chevalier de l’Ordre du Christ et du Portugal en 1880 à l’occasion de l’Exposition internationale de Porto.
  • Chevalier du Mérite Agricole en 1886.
  • Chevalier du Nischam en 1888 au Concours général de Tunis.
  • Chevalier de la Légion d’honneur en 1889 à l’issue de l’Exposition Universelle de Paris.

Sources :
Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, Paris, 104ème année – t.CVII, Paris, novembre 1905 (CNUM : BSPI.108).
Construction spéciale de pressoirs mécaniques – Liste des récompenses obtenues depuis 1859 jusqu’à 1870 par MM. Mabille frères, ingénieurs-constructeurs-mécaniciens brevetés à Amboise, Tours, s.d., 15 p. (ADI&L : 8°Bh 1231).
GALLARD Alexandre (1906), Ernest Mabille, sa vie (1837-1906), Tours, 21 p.
Bulletin agricole de la Touraine, 12ème année – n°11, Tours, novembre 1894, p. 318.
Journal des viticulteurs, 3ème année – n°21, Toulouse, 5 novembre 1884, pp. 325-330.
Fédération française de la libre-pensée – Ligue anti-cléricale – Bulletin mensuel de correspondance des groupes et adhérents fédérés, 2ème année – n°14, février 1891, pp. 230-231 et 11ème année – n°122, février 1900, pp. 398-399.
La Vigne française : revue bimensuelle des intérêts viticoles français et de la défense contre le phylloxéra, Paris, 3ème année – n°18, 31 juillet 1882, p. 293.
AN : Cote LH/1679/18, n° de notice L1679018, dossier de la Légion d’honneur d’Ernest Étienne Mabille, 1889.
ADI&L : 6NUM8/003/036, acte de naissance d’Ernest Mabille, n°85, le 18 octobre 1837.
ADI&L : 3E 19/382, vente de M. et Mme Mabille-Mangeant à André Emmanuel et Ernest Mabille (2 février 1865), acte de société entre André Emmanuel et Ernest Mabille sous la dénomination “E. Mabille frères” (19 février 1865) et dépôt de pièces par les deux frères Mabille (3 mars 1865).
ADI&L : 3E 19/2279, constitution de la société « E. Mabille frères » et bail avec promesse de vente par André Emmanuel et Ernest Mabille à la société “E. Mabille frères”, 30 décembre 1890.
ADI&L : 6U 247/40, acte de société entre André Emmanuel et Ernest Mabille sous la dénomination “E. Mabille frères”, étude de Me Édouard Moreau, notaire à Amboise, acté le 19 février 1865 et déposé au greffe le 25 février 1865.
ADI&L : 6U 252/2, acte de société entre André Emmanuel et Ernest Mabille sous la dénomination “E. Mabille frères”, étude de Me Adolphe Aillet, notaire à Amboise, 7 février 1882.
ADI&L : 6U 254/26, acte de société entre André Emmanuel, Ernest et Georges Rémi Mabille, Auguste Achille Pécard et Emmanuel Ernest Mabille sous la dénomination “E. Mabille frères”, étude de Me Albert Berger, notaire à Amboise, acté le 2 mars 1888 et déposé au greffe le 27 mars 1888.
ADI&L : 6U 255/13, acte de société entre André Emmanuel et Georges Rémi Mabille, Auguste Achille Pécard et Emmanuel Ernest Mabille sous la dénomination “E. Mabille frères”, étude de Me André Bosq, notaire à Amboise, 30 décembre 1890.
ADI&L : 3M 548, élection d’Ernest Mabille en tant que conseiller d’arrondissement d’Amboise suite à la démission d’Aristide Allard, 22 avril 1894.
ADI&L : 3M 559, démission d’Ernest Mabille, conseiller d’arrondissement d’Amboise, 6 octobre 1901.
ADI&L : 7M 219, pépinière de Nazelles, correspondance, instructions, demande de subventions etc. (1891-1897).

Note :
1 À partir de 1901, elle prend le nom de “Médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement”.